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Publié : 10 décembre 2021
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La GravelMan

LA GRAVELMAN SERIES par Anuhy LOU
Retour d’expérience sous forme de carnet de route pour la GravelMan Series Verdun Paris.
Contretemps - KM 0
La dernière réunion de travail en ligne se termine à 16h00, j’ai mon train pour 16h30, le vélo est prêt, juste le temps de me changer et je file à la gare. Je regarde l’heure exacte sur mon billet de train, qui est programmé pour… demain ! Ok, je me suis trompé de jour... L’aventure commence déjà !
Buffalo Grill - KM 0
Qu’est-ce qu’un végétarien fait au royaume de la viande et du bbq ? Réponse : l’hôtel est à 50 mètres, ils ont un burger veggie. Ces lieux sont étrangement anonymes. Animés, colorés, ritualisés, mais anonymes. C’est Disney Land. J’en profite, ils enlèveront bientôt les cowboys et les Indiens. Air de déjà-vu : J’avais mangé exactement la même chose la veille d’un brevet de 200 km, avec Cyrus et Aurélien, vers Tours.

Insomnie - KM 0
3h du matin, j’ai les yeux encore ouverts. Ce n’est pas mon premier brevet, pourtant toujours l’excitation qui m’empêche de dormir. Je ne m’inquiète pas trop de mon

état demain, enfin, pour tout à l’heure. On verra bien. Dans deux heures.

Nuit noire - KM 1
On démarre. Les feux de vélos tracent comme une guirlande dans le matin. Il fait encore noir. Noir et froid. Au fur et à mesure que la guirlande s’étire au rythme des coups de pédale de chacun, je me retrouve seul. Le cône de lumière dessine le paysage en temps réel, comme un projecteur de cinéma, ma séance personnelle démarre.
Verglas - KM 18
Pendant ma séance de projection personnelle, une nouvelle lumière se dessine à ma gauche : deux cyclistes me dépassent et me saluent. C’est Richard ! On s’est croisé lors du 300 km du débarquement, on est ensemble pour le 350 km du 11 novembre ! Ils viennent habiter mon cône de lumière et je me cale sur leurs roues. L’arrière-train du vélo glisse, je me rattrape de justesse. Mince, un pneu à plat ? Je tâte le pneu - Ah non, juste une belle plaque de verglas. Ah oui, il fait moins quelque chose encore.

Les chemins agricole - KM 30
Premier chemin agricole… les champs sont en repos pour l’hivers, les seuls pétales qui restent sont celles des éoliennes qui tournent. Comme d’énormes ventilateurs, elles brassent l’air, chassant la brume du petit matin, libérant l’horizon. Elles révèlent aussi les visages de chacun : les plus bucoliques se posent pour prendre le temps de regarder le soleil se lever, les plus pressés profitent d’une ligne de mire visible pour se tirer.

Les canaux et les voies de halages - KM 50
C’est un terrain de jeu privilégié pour une randonneuse, pour un vélo de gravel : une voie de halage à mille visage - tour à tour tout lisse au macadam tout neuf, chemin de terre, graviers, marelles d’eau avec qui il faut jouer a saute-mouton, single aussi parfois entre les hautes herbes qui bordent les canaux, rendant flou la limite d’eau. Population de pêcheurs, de promeneurs de chiens. Les défauts de ce terrain de jeu sont ses qualités : côté face - droit et plat, ennuyeux, côté pile - droit et plat, reposant.

Un chasseur curieux et son chien - KM 120
Le monsieur avec sa carabine s’approche, pendant que je dégage la boue de ma roue pour que je puisse trouver la blessure. Le préventif saigne, épais, blanc, en se mêlant à la boue, sous la truffe de son chien curieux. « Vous allez chasser par où ? » Je lui demande - « oh, par-là, il n’y a pas de sentiers de toute façon. Et tous les chasseurs ne sont pas fous ! » Ok. Mèche mise en place, je repars. La trace continue dans la direction opposée. Je n’avais pris qu’une seule mèche, c’est ma dernière cartouche. Cela me rendra plus soigneux dans mes trajectoires.

Petit geste d’attention - KM 150
Dans un village Champenois, deux personnes discutent. Je les salue et demande s’il y a un robinet dans la cour, pour pouvoir remplir ma gourde. « Ah mais attendez, je vais la remplir à l’intérieur ! » Il me ramène une bouteille d’eau minérale. « Je ne vais quand même pas vous donner de l’eau de robinet ». Merci, cette eau aura le goût des rencontres, des sourires et des regards francs.

A travers les vignes. - KM 160
Les vignes champenoises, à flanc de coteaux, dans les brumes, sont comme des filets qui recueillent l’eau dans l’air, comme pour l’assécher. Les vignes vont les transformer en petit grains de raisins, qui a leur tour donneront des bulles d’air qui retourneront dans l’air. Le cycle de l’eau est bien particulier en Champagne. Je perds le fil de la trace quelque fois et les vignes deviennent comme les murs du labyrinthe.
Un autre geste d’attention inattendu - KM 170
C’est encore dans les vignes champenoise que je croise un cycliste en VTT en balade. Petits échanges pour discuter de la brume et de la brume. Je lui demande si une boulangerie est ouverte quelque part. En guise de réponse, il me donne une pâte de fruit et son adresse, dans le village en contrebas, si cela ne me suffit pas. Cela a suffi, merci monsieur. Encore une barre au goût d’attention surprise.

La nuit et la grenouille météo - KM 200
La nuit vient progressivement et nos sens ont le temps de s’y habituer. À la manière de la grenouille dans une casserole à qui l’on monte de température, pour finir ébouillantée - je suis complètement nuité ! Alors que la veille, dans le confort du bus, jamais je n’aurais mis les roues dans la nuit noire, vu par le hublot du car. J’accepte la nuit et m’y jette de plein gré.

Sur le parking, une cahute à pizza - KM 210
Arrivée dans une ville, grande par rapport aux villages déjà traversés. Le long de la route, sur un parking de supermarché, une cahute à pizza. Une femme s’affaire au téléphone pour prendre les commandes et les préparer. Demi-tour pour une quatre fromage - Elle glisse avec bienveillance ma demande entre deux commandes. Le kiosque est baigné de lumière. Le parking ronronne des voitures qui tournent au ralenti. Les autres clients y attendent leur pizza au chaud. Un camarade de jeu me rejoint, qui a transformé en son vélo cassé en single speed pour continuer son aventure. Je lui glisse la moitié de ma pâte a pizza a défaut de patte de dérailleur.

Play / Pause - KM 290
Comme une bande magnétique d’une cassette, la lecture du parcours se passe généralement bien. Mais parfois des nœuds dans la piste, qui prends la forme d’ornières, de gros rochers, ou de bourbiers. Là c’est un bourbier. Impossible de passer en pédalant, il faut marcher dans la nuit. Avec la fatigue et la lumière de la frontale, la boue à une couleur indéfinissable, entre gris de fatigue et brun de lassitude. Mais dès que cela repart le vert reviens comme par magie !

La saignée verte - KM 330
À l’Est, par le canal de l’Ourcq, Paris est reliée par une saignée verte, le long de l’eau. C’est une voie magique qui permet de relier la capitale en douceur, sans affronter en frontal les divers cercles infernaux de sa banlieue, de ne pas bégayer des pédales à chaque feu rouge. Tard dans la nuit ou tôt le matin - je passe en silence entre des tentes de réfugiés, sous un pont. C’est un calme avant la tempête : j’apprendrais demain qu’une opération se fera pour les déloger. Bruyamment.

L’arrivée - KM 350
Il est 3h30 je crois. Je n’en suis pas sûr. Thomas et David sont dans la boutique. Thomas attend son train pour repartir - David attend tout le monde. Oui, je suis content de terminer ce périple de 350 km. En 20 heures environ, par les chemins, par les routes, par les sentiers, par la brume aussi. Je remets ma balise GPS, je ne suis plus un point sur une carte. Je suis arrivé. Après mon thé et une banane, je repars pour 10 km, pour traverser un Paris qui prépare son éveil : j’arrive à 4h30 à l’hôtel, Dutronc peut chanter.
7h30, au petit déjeuné
C’est quand la prochaine ?
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Les kilométrages sont indicatifs, de mémoire !
Portraits par FLOÉ pour GravelMan.

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